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Indemnité d’éviction : caractère transférable ou non transférable du fonds de commerce

Le caractère transférable ou non du fonds de commerce

Lorsqu’un bailleur refuse de renouveler le bail commercial d’un locataire sans motif légitime, il est tenu de verser une indemnité d’éviction. Celle-ci vise à compenser le préjudice subi par le locataire, notamment la perte d’exploitation liée à la cessation ou au déplacement de son fonds de commerce. Cependant, un facteur essentiel entre en jeu dans le calcul de cette indemnité : le caractère transférable ou non-transférable du fonds de commerce. Dans cet article, nous explorons l’impact de ce critère sur l’indemnité d’éviction, les distinctions entre fonds transférables et non-transférables, et les implications pour les parties concernées.

Quel est le montant d’une indemnité d’éviction ?

L’indemnité d’éviction est une compensation due par le bailleur à un locataire commercial lorsque le renouvellement du bail est refusé sans motif légitime. Elle vise à réparer intégralement le préjudice subi par le locataire évincé, en couvrant à la fois la perte de jouissance des locaux et les conséquences économiques de son départ. Le montant de cette indemnité dépend de la situation du fonds de commerce et des spécificités du bail.

Une indemnité principale fondée sur le droit au bail ou le fonds de commerce

Le calcul de l’indemnité principale repose sur la transférabilité du fonds de commerce. Lorsque le fonds est transférable, l’indemnité est évaluée sur la base du droit au bail, c’est-à-dire en fonction de l’avantage économique que représente le loyer en place par rapport à la valeur locative du marché. À l’inverse, lorsque le fonds n’est pas transférable (du fait de l’emplacement, d’une activité attachée au local ou d’un monopole de situation), l’indemnité est alors calculée sur la valeur du fonds de commerce lui-même, prenant en compte le chiffre d’affaires, la rentabilité, la clientèle et la localisation.

Des indemnités accessoires à ajuster au cas par cas

À l’indemnité principale s’ajoutent des indemnités accessoires, qui varient selon les conséquences concrètes de l’éviction pour le locataire. Ces frais peuvent inclure : le déménagement, la réinstallation, les pertes d’exploitation, les licenciements, la communication commerciale ou encore les frais juridiques. Leur montant dépend des justificatifs produits et de l’impact réel de l’éviction sur l’activité du locataire.

Dans tous les cas, le recours à un expert immobilier est essentiel pour chiffrer ces préjudices et garantir une évaluation équitable, en particulier en cas de litige entre bailleur et preneur.

Fonds de commerce : transférable ou non transférable ?

Le caractère transférable ou non transférable d’un fonds de commerce est déterminant pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction. Il s’agit de déterminer sur quel actif reposera le calcul de l’indemnité principale. 

Fonds de commerce transférable

Un fonds de commerce est considéré comme transférable lorsque l’activité peut être poursuivie dans un autre local sans perdre l’essentiel de sa clientèle et de sa rentabilité.

Impact sur l’indemnité d’éviction :

Réinstallation possible : L’indemnité inclura principalement les frais de déménagement, de réinstallation, et la perte éventuelle de chiffre d’affaires pendant la transition.

 Valeur réduite : L’absence de dépendance à l’emplacement peut réduire le montant de l’indemnité à moins que la valeur du droit au bail soit supérieur à la valeur du fonds de commerce. 

Exemples :

● Activités en ligne ou e-commerce.

● Entreprises de services à forte mobilité (consultants, agences de communication).

● Commerces dont la clientèle est moins dépendante de l’emplacement (livraison, entreprises B2B).

Fonds de commerce non transférable

Un fonds de commerce est dit non transférable lorsque l’activité est étroitement liée à son emplacement et que le changement de lieu entraînerait une perte totale de clientèle ou de valeur.

Impact sur l’indemnité d’éviction :

 Perte irréparable : L’indemnité devra couvrir la perte totale de la valeur du fonds de commerce.

 Valeur plus élevée : Le caractère non transférable justifie une indemnisation plus importante basée sur la valeur du fonds de commerce.

Exemples :

 Restaurants ou cafés situés dans des zones à fort passage.

● Boutiques de luxe ou magasins bénéficiant d’une image de marque liée à l’adresse.

● Activités artisanales ou locales dont la clientèle est fidèle à l’emplacement (boulangeries, salons de coiffure).

Calcul de l’indemnité d’éviction selon le caractère transférable

Pour un fonds de commerce transférable

Le calcul inclut les éléments suivants :

Valeur du droit au bail  : base de l’indemnité principale 

Frais de déménagement : Transport du matériel, du stock et des équipements.

Frais de réinstallation : Aménagement des nouveaux locaux, transfert administratif.

Trouble d’exploitation : Compensation pour la période où l’activité est suspendue ou ralentie.

Trouble commercial : Environ 15 jours de masse salariale ou 3 mois d’EBE

Frais d’agence : on les évalue entre 12 et 15 % de la valeur locative 

Frais de communication : Informer la clientèle de la nouvelle adresse.

Perte de clientèle : Environ 10 % du dernier CA

Double loyer : Entre 1 à 3 mois de valeur locative de marché

Frais de licenciement : Dans le cas de licenciements éventuels

Pour un fonds de commerce non-transférable

Le calcul prend en compte :

Valeur du fonds de commerce : Estimée en fonction de la rentabilité, de la clientèle, et de l’image de marque. Elle constitue l’indemnité principale

Frais de réinstallation : Aménagement des nouveaux locaux, transfert administratif.

Frais de licenciement : Dans le cas de licenciements éventuels

Trouble d’exploitation : Compensation pour la période où l’activité est suspendue ou ralentie.

Trouble commercial : Environ 15 jours de masse salariale ou 3 mois d’EBE

Frais de remploi : Entre 8 et 10 % de la valeur du fonds de commerce ou du droit au bail.

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Les points d’attention dans l’évaluation d’un fonds de commerce en cas d’éviction

Lorsqu’un expert immobilier est mandaté pour évaluer un fonds de commerce dans le cadre d’une indemnité d’éviction, certains éléments nécessitent une vigilance particulière. L’enjeu est de déterminer précisément l’étendue du préjudice subi par le locataire et d’établir une indemnisation juste, en tenant compte à la fois de la situation du fonds et des particularités contractuelles du bail commercial.

L’analyse déterminante de la transférabilité du fonds

La transférabilité du fonds de commerce est un critère central, car elle conditionne la méthode de calcul de l’indemnité principale. Pour évaluer si un fonds est transférable, l’expert doit examiner :

  • La nature de l’activité exercée : Certaines activités sont aisément délocalisables (vente en ligne, services techniques), tandis que d’autres dépendent fortement d’un emplacement spécifique (commerce de proximité, restauration, services de quartier).

  • La typologie de la clientèle : Une clientèle fidèle, constituée d’habitués du quartier ou d’un environnement professionnel localisé, rend le transfert plus difficile. En revanche, une clientèle diffuse ou non liée à un lieu peut faciliter la mobilité de l’activité.

  • Les spécificités du local : L’agencement, la surface, la configuration ou encore l’accessibilité du local peuvent être essentiels au bon fonctionnement de l’activité. S’ils sont difficiles à retrouver ailleurs, cela limite la transférabilité du fonds.

Un fonds non transférable suppose une indemnité fondée sur la valeur du fonds de commerce, alors qu’un fonds transférable implique une indemnité calculée à partir du droit au bail.

La prise en compte des éléments contractuels et justificatifs

Outre les critères économiques, l’analyse du bail commercial et des preuves fournies par le locataire est essentielle pour ajuster l’évaluation :

  • Les clauses du bail peuvent impacter la valorisation : une clause d’exclusivité, une durée résiduelle longue ou une indexation favorable du loyer sont autant de facteurs qui accroissent la valeur du droit au bail ou du préjudice.

  • Les justificatifs des pertes subies doivent être rigoureusement examinés. Le locataire doit produire des éléments objectifs : bilans comptables, état du chiffre d’affaires, devis de déménagement, coûts de réinstallation, variation de la clientèle… Ces documents permettent de fonder l’indemnité accessoire sur des bases solides et opposables.

Ainsi, une expertise fiable doit combiner une lecture fine des caractéristiques du fonds, une connaissance approfondie du marché et une analyse rigoureuse des documents contractuels et comptables. C’est cette approche croisée qui garantit une évaluation juste et conforme aux exigences juridiques en matière d’éviction commerciale.

Rôle des experts immobiliers dans l’évaluation dans le calcul de l’indemnité d’éviction

Faire appel à un expert en évaluation immobilière est essentiel pour :

 Déterminer précisément la valeur du fonds de commerce ou du droit au bail

 Analyser le caractère transférable ou non-transférable de l’activité.

 Fournir un rapport objectif pour sécuriser les négociations ou trancher les litiges.

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Exemple pratique : fonds de commerce non transférable

Contexte :
Un restaurant situé dans une zone très touristique est évincé sans renouvellement de son bail.

 Nature du fonds : Non-transférable, car le restaurant dépend de la clientèle locale et de la visibilité offerte par l’emplacement.

 Valeur du fonds de commerce : 300 000 €, calculée en fonction du chiffre d’affaires annuel et des bénéfices.

 Indemnités accessoires : 50 000 € (déménagement, réinstallation, communication).

 Indemnité totale :

300 000 € (indemnité principale) + 50 000 € (indemnités accessoires) = 350 000 €.

En bref

Le caractère transférable ou non-transférable du fonds de commerce est un facteur clé dans le calcul de l’indemnité d’éviction. Un fonds transférable implique des coûts de réinstallation moindres, tandis qu’un fonds non-transférable justifie une indemnisation plus importante pour compenser la perte de clientèle et de valeur.

Pour garantir une évaluation juste et adaptée, il est crucial de s’appuyer sur des experts en évaluation immobilière et commerciale, capables de prendre en compte les spécificités de chaque cas. Une analyse approfondie et objective est indispensable pour protéger les droits des locataires et sécuriser les transactions.

FAQ – Transférabilité du fonds de commerce et indemnité d’éviction

Un fonds de commerce peut-il être partiellement transférable ?

Oui, certains fonds peuvent être partiellement transférables, notamment lorsque seule une partie de l’activité dépend du local. Dans ce cas, l’indemnité d’éviction peut être ventilée entre les éléments transférables et non transférables, à condition de pouvoir les isoler de manière justifiable.

Quel rôle joue la notoriété du lieu dans l’indemnité ?

La notoriété attachée à l’adresse elle-même – par exemple un restaurant réputé pour son implantation spécifique – peut renforcer le caractère non transférable du fonds. Cette notoriété constitue une valeur incorporelle difficilement déplaçable, ce qui justifie une indemnité plus élevée.

Le locataire peut-il refuser l’indemnité proposée ?

Oui. Si le locataire estime que l’offre du bailleur sous-évalue son préjudice, il peut contester le montant en saisissant le juge des loyers commerciaux. Le recours à un expert indépendant est alors souvent déterminant pour défendre sa position.

Quelles précautions prendre avant la fin du bail ?

Il est recommandé au locataire d’anticiper une éventuelle éviction plusieurs mois à l’avance, en rassemblant des documents comptables à jour, en évaluant les risques de non-renouvellement et en réalisant, si nécessaire, une pré-expertise amiable.

Une indemnité peut-elle être exonérée d’impôts ?

Selon les cas, une partie de l’indemnité d’éviction peut bénéficier d’un régime fiscal spécifique, notamment si elle compense une perte en capital. Toutefois, cette exonération dépend de la nature de l’indemnité et du traitement comptable adopté, ce qui justifie un accompagnement fiscal adapté.

Alicia Grau Expert immobilier haussmann évaluation
Alicia GRAU

Directrice Générale Haussmann Evaluation

Expert immobilier

Expert agréé CEIF

Expert agréé SNPI

Expert accrédité TEGOVA

Membre de la Chambre des Experts Immobiliers de France (CEIF)

Membre du collège des experts immobiliers (SNPI)

Master 2 en droit immobilier de l’Université Jean Moulin Lyon III

Spécialisation « estimation des immeubles » à l’ICH