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Evaluer un droit au bail

La Valorisation du Droit au Bail : Méthodes et Enjeux

Le droit au bail est un actif essentiel pour les entreprises occupant des locaux commerciaux. En cas de cession, il représente une valeur économique significative, liée à la possibilité d’exploiter un emplacement stratégique. La valorisation du droit au bail est une étape cruciale, tant pour les cédants que pour les acquéreurs, afin de déterminer un prix juste et aligné sur le marché. Dans cet article, nous expliquons ce qu’est le droit au bail, pourquoi sa valorisation est importante, et les méthodes principales utilisées pour estimer sa valeur.

Qu’est-ce que le droit au bail ?

Le droit au bail est un élément essentiel dans le cadre de la location d’un local commercial. Il représente la valeur pécuniaire attachée à la faculté pour un locataire de bénéficier des conditions avantageuses d’un bail en cours, notamment son loyer et sa durée restante.

Concrètement, lorsqu’un commerçant ou une entreprise quitte un local, il peut céder son bail à un repreneur, qui, en contrepartie, verse une somme appelée « droit au bail ». Cette somme est justifiée par le fait que le nouveau locataire bénéficie du même contrat de location, souvent à un loyer inférieur à la valeur locative actuelle du marché.

Le droit au bail ne doit pas être confondu avec le fonds de commerce, même s’il en constitue un élément dans le cadre d’une cession globale.

 

Quelle est la différence entre droit au bail et pas-de-porte ?

Bien que souvent confondus, le droit au bail et le pas-de-porte sont deux notions distinctes, à la fois sur le plan juridique, économique et comptable.

Le droit au bail est une somme versée par un locataire entrant au locataire sortant. Elle rémunère l’avantage économique d’un bail en cours (durée, loyer modéré, stabilité juridique). Il s’agit d’un actif immobilisé incorporel, non amortissable, sauf en cas de perte de valeur avérée (dépréciation exceptionnelle).

En comptabilité, il figure à l’actif du bilan mais n’est pas amortissable.

Le pas-de-porte, à l’inverse, est une somme versée directement au bailleur par le nouveau locataire, lors de la signature du bail. Il peut correspondre :

à une indemnité d’entrée, donnant simplement droit à occuper les lieux,

ou à un complément de loyer, réparti sur la durée du bail.

En comptabilité, lorsqu’il s’agit d’un complément de loyer, le pas-de-porte constitue une charge déductible et est amortissable. Il est alors amorti linéairement sur la durée du bail (souvent 9 ans).

Quelle est la différence entre fonds de commerce et droit au bail ?

Dans le cadre d’une activité commerciale, il est fréquent d’entendre parler de fonds de commerce et de droit au bail. Ces deux notions sont liées, mais distinctes, tant sur le plan juridique que patrimonial. Bien les différencier est essentiel, notamment en cas de cession d’activité ou d’acquisition de locaux commerciaux.

Le fonds de commerce : un ensemble d’éléments d’exploitation

Le fonds de commerce désigne l’ensemble des éléments utilisés par un commerçant pour exercer son activité. Il comprend notamment :

La clientèle (élément central),

Le nom commercial et l’enseigne,

Le matériel et les équipements,

Les licences ou autorisations d’exploitation,

Et dans la majorité des cas : le droit au bail, c’est-à-dire le droit d’occuper le local.

Le fonds de commerce a donc une valeur globale, liée à l’exploitation commerciale dans son ensemble. Il peut être vendu ou transmis, généralement à un repreneur qui souhaite poursuivre l’activité ou en développer une nouvelle sur le même emplacement.

Le droit au bail : un élément du fonds de commerce

Le droit au bail, quant à lui, est l’un des éléments incorporels du fonds de commerce, mais peut aussi faire l’objet d’une cession isolée. Il représente le droit pour un locataire d’occuper un local commercial, dans les conditions prévues par un bail en cours (durée, loyer, renouvellement).

Lorsque ce droit est vendu seul, sans les autres éléments d’exploitation (clientèle, matériel, etc.), il ne constitue pas un fonds de commerce, mais simplement une cession de bail. Cela permet à un repreneur de bénéficier du même local et du même bail, tout en y exerçant une activité éventuellement différente.

Pourquoi valoriser le droit au bail ?

La valorisation du droit au bail intervient dans plusieurs contextes :

Objectif 1

Déterminer l’indemnité principale

Lorsque que le bailleur doit verser une indemnité d’éviction à son locataire pour non renouvellement du bail. Le droit au bail constitue la base du calcul de l’indemnité principale lorsque l’activité est transférable.

Objectif 2

Déterminer la valeur de cession du fonds de commerce

Lorsqu’un commerçant vend son fonds de commerce, le droit au bail représente une part importante de la valeur totale, en particulier si les locaux sont bien situés.

Objectif 3

Assurer une gestion patrimoniale

Pour les entreprises, la valeur du droit au bail peut être intégrée dans leur patrimoine ou utilisée comme garantie pour un financement.

Objectif 4

Résoudre les litiges et contentieux

En cas de conflit, une évaluation indépendante peut servir de base pour trancher les désaccords entre les parties.

Les critères influençant la valorisation du droit au bail

La valeur d’un droit au bail n’est pas figée : elle dépend d’un ensemble de facteurs juridiques, économiques et commerciaux. Ce droit, qui permet au locataire d’occuper un local dans des conditions souvent avantageuses, peut représenter un actif significatif, notamment dans les zones à fort potentiel commercial. Lors d’une cession de bail, l’estimation de sa valeur repose sur une analyse fine de plusieurs paramètres que voici en détail.

La localisation du local commercial

La situation géographique est l’un des critères les plus déterminants dans la valorisation d’un droit au bail. Un emplacement bien situé peut multiplier la valeur du droit, tandis qu’un secteur en perte de dynamisme peut la réduire.

●  Emplacement stratégique : Un local situé dans un centre-ville animé, sur un axe à fort passage piéton ou au sein d’un quartier commerçant dynamique bénéficie d’une valeur locative importante. De même, les zones commerciales en périphérie, proches des grands axes ou d’infrastructures (transports en commun, parkings, gares) sont très recherchées.

Visibilité et accessibilité : Un local bien visible depuis la rue, bénéficiant d’une vitrine dégagée et d’un accès facile, sera plus attractif qu’un emplacement en second rideau ou difficilement identifiable.

Potentiel de développement du quartier : L’évolution urbaine du secteur (projets de rénovation, arrivée de nouvelles enseignes, montée en gamme du quartier) peut anticiper une valorisation future du droit au bail.

 

Les conditions du bail commercial en cours

La nature juridique et économique du bail a un impact direct sur la valeur du droit qui lui est attaché. Plusieurs éléments sont analysés :

Durée restante du bail : Plus le bail offre une longue période d’occupation sécurisée (notamment s’il reste plusieurs années avant son terme ou son renouvellement tacite), plus le droit au bail est valorisé. À l’inverse, un bail proche de son échéance perd en attractivité.

Niveau de loyer : Si le montant du loyer est nettement inférieur aux valeurs locatives de marché, le droit au bail peut être valorisé significativement. Le repreneur bénéficie alors d’un avantage économique durable. À l’inverse, un loyer élevé ou aligné sur le marché réduit l’intérêt de la reprise du bail.

Clauses contractuelles spécifiques :

  • Renouvellement automatique ou préférentiel,
  • Droit de sous-location ou de cession libre,
  • Répartition des charges favorable au locataire,
  • Exclusion de certaines charges ou travaux,sont autant d’éléments pouvant renforcer l’attractivité juridique du bail, et donc la valeur du droit qui y est rattaché.

 

Le potentiel commercial du local

Le type d’activité exercée ou projetée et sa pertinence par rapport à l’environnement immédiat du local sont des critères clés.

Adéquation entre l’activité et l’emplacement : Un local situé dans un quartier touristique ou de luxe aura une valeur accrue pour des activités haut de gamme (mode, joaillerie, restauration premium). À l’inverse, une activité peu adaptée au lieu ou réglementairement limitée (nuisance sonore, ventilation impossible, etc.) pourra faire baisser la valeur.

Fréquentation et flux : Un droit au bail dans une zone à fort trafic piéton (rue commerçante, gare, métro) ou une zone de chalandise dense sera généralement mieux valorisé.

Pouvoir d’achat local : La typologie socio-économique des résidents et des visiteurs influe également. Un local situé dans une zone à fort pouvoir d’achat attire davantage d’enseignes, ce qui renforce la demande et la valorisation.

 

La pression concurrentielle

La densité de la concurrence directe dans l’environnement immédiat du local joue aussi un rôle dans l’évaluation du droit au bail.

Monopole ou rareté : Si l’activité envisagée est peu représentée ou absente dans la zone, le local devient stratégiquement précieux, et son droit au bail s’apprécie.

Zone saturée : À l’inverse, un quartier où les concurrents directs sont nombreux peut diminuer l’intérêt économique du droit au bail, en particulier si le secteur est très disputé et les marges faibles.

En bref

La valorisation d’un droit au bail ne se limite pas à un simple calcul comptable : elle repose sur une analyse stratégique globale alliant emplacement, conditions juridiques, environnement commercial et potentiel de rentabilité. C’est pourquoi, dans un contexte de cession, de reprise ou de valorisation d’actifs immobiliers professionnels, il est recommandé de faire appel à un expert en évaluation immobilière, capable de croiser l’ensemble de ces paramètres pour aboutir à une estimation juste et défendable.

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Les méthodes de valorisation du droit au bail

La méthode comparative

La méthode comparative repose sur l’analyse de transactions récentes de droits au bail concernant des locaux similaires dans la même zone géographique, à caractéristiques comparables (surface, visibilité, accessibilité, type de commerce, flux de passage, etc.).

L’expert va s’appuyer sur une base de valeurs observées sur le marché — généralement issues de transactions notariées, d’agences spécialisées ou de bases de données professionnelles — pour estimer une valeur de marché par mètre carré du droit au bail. Cette valeur est ensuite multipliée par la surface du local pour obtenir une estimation globale.

Avantages :

Méthode rapide et directe, lorsqu’un nombre suffisant de données comparables est disponible.

Permet de s’aligner sur le niveau réel du marché local, ce qui est particulièrement utile pour des emplacements courants (rue commerçante secondaire, galerie marchande, etc.).

Elle est bien comprise par les professionnels et facilement utilisable dans le cadre d’une négociation.

Limites :

La rareté des transactions comparables fiables constitue une limite majeure, surtout dans les secteurs très hétérogènes ou peu liquides.

Les transactions publiées ne reflètent pas toujours les conditions réelles (négociations, concessions, état du local, etc.).

Cette méthode nécessite une excellente connaissance du tissu local, car deux emplacements voisins peuvent avoir des valeurs très différentes selon l’environnement commercial immédiat.

Méthode basée sur le différentiel de loyer

Cette méthode est basée sur l’avantage économique que représente un loyer contractuel inférieur à la valeur locative de marché. Le droit au bail est ici considéré comme une économie future pour le repreneur, calculée sur la durée restante du bail.

La formule de base est la suivante :

Valeur du droit au bail = (loyer de marché – loyer contractuel) × durée restante (en mois ou années)
× coefficient de commercialité

Exemple :

Loyer contractuel actuel : 1 200 € / mois

Loyer de marché pour un local équivalent : 1 800 € / mois

Durée restante du bail : 5 ans

Différentiel mensuel : 600 €

Économie totale sur 5 ans : 600 € × 12 mois × 5 ans = 36 000 €

Coefficient de commercialité (ex : 6 sur une échelle de 0 à 10) :

Résultat : 36 000 € × 6 = 216 000 €

La valeur du droit au bail est donc estimée à 216 000 €, reflétant l’économie que réalise le repreneur grâce au loyer avantageux du bail.

Le coefficient de commercialité :

C’est un multiplicateur pondéré permettant d’intégrer la valeur qualitative de l’emplacement :

0 : absence totale d’intérêt commercial (zone isolée ou sans passage)

10 : emplacement “prime” (emplacement n°1, rue très passante, fort trafic, environnement commercial très dynamique)

La valeur retenue est généralement définie à partir d’une grille interne, de l’analyse de l’emplacement, ou d’une expertise de marché.

Avantages :

Méthode logique et économique, directement liée à l’intérêt financier du repreneur.

Très pertinente dans les zones où il existe une distorsion marquée entre les loyers historiques et les loyers de marché.

Elle permet une évaluation objective, fondée sur des éléments mesurables.

Limites :

Elle ne prend pas en compte certains facteurs qualitatifs : rareté du local, attractivité du quartier à long terme, potentiel de transformation du bien, clauses spécifiques du bail.

Le choix du coefficient de commercialité est subjectif et peut varier d’un expert à l’autre.

Cette méthode est moins adaptée si le loyer est proche de la valeur de marché.

Les erreurs à éviter lors de la valorisation du droit au bail

Ignorer les tendances du marché

Ne pas actualiser l’analyse avec les loyers pratiqués ou l’évolution du quartier peut fausser l’évaluation.

Sous-estimer les clauses du bail

Certaines clauses spécifiques (indexation, durée restante, renouvellement) peuvent avoir un impact significatif sur la valeur.

Négliger l’état du local

Un local nécessitant des travaux importants peut réduire la valeur du droit au bail, même dans un emplacement attractif.

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Pourquoi faire appel à un expert en valorisation ?

La valorisation d’un droit au bail est une opération complexe nécessitant une connaissance approfondie du marché immobilier commercial. Un expert en évaluation immobilière peut :

 

Analyser les critères spécifiques au bail : Localisation, clauses, état du local.

Comparer avec des données fiables : Transactions similaires, tendances du marché.

 Fournir une évaluation objective et documentée : Utile pour les négociations, les litiges ou les décisions stratégiques.

En bref

La valorisation du droit au bail est une étape cruciale pour garantir des transactions équitables et optimiser la gestion des actifs commerciaux. En combinant plusieurs méthodes (comparative, écart de loyer) et en tenant compte des spécificités du bail, il est possible d’obtenir une estimation juste et fiable.

Pour une évaluation précise et stratégique, il est fortement recommandé de faire appel à un expert en immobilier commercial, capable de prendre en compte l’ensemble des paramètres et d’apporter une vision objective et adaptée au marché.

FAQ  – Droit au bail : aspects pratiques, juridiques et fiscaux

Le droit au bail peut-il être cédé librement ?

Non, pas toujours. La cession du droit au bail est encadrée par les clauses du contrat de bail commercial. Le propriétaire bailleur peut :

Autoriser librement la cession (cas fréquent pour une cession de fonds de commerce),

Subordonner la cession à son accord écrit (clause d’agrément),

Interdire la cession isolée du bail (hors vente de fonds).

Une lecture attentive du bail est donc indispensable avant toute opération.

Le droit au bail a-t-il une durée de validité ?

Le droit au bail est intimement lié à la durée restante du bail commercial. Il ne perd pas automatiquement toute valeur à l’échéance du bail, car le locataire bénéficie du droit au renouvellement, mais la valeur décroit généralement à mesure que le terme approche, sauf si les conditions de renouvellement sont très favorables.

Le bailleur peut-il s’opposer à la cession du droit au bail ?

Le bailleur ne peut pas s’opposer à une cession du droit au bail s’il s’agit d’une cession conjointe avec le fonds de commerce, sauf clause spécifique contraire. En revanche, dans le cas d’une cession isolée, son accord est généralement requis, et il peut le refuser dans certains cas, notamment si :

L’activité du repreneur est incompatible avec la destination des lieux,

La solidité financière du repreneur est jugée insuffisante,

Le local est destiné à une restructuration prochaine.

 

Le droit au bail peut-il être revalorisé lors du renouvellement du bail ?

Non, pas directement. La valeur du droit au bail n’est pas revalorisée contractuellement lors du renouvellement. En revanche, le loyer peut être révisé, ce qui a une incidence indirecte sur la valeur du droit au bail :

Si le loyer reste inférieur au marché, le droit au bail peut rester valorisé.

Si le loyer est aligné sur les prix du marché, l’avantage disparaît et le droit au bail perd de sa valeur.

 

Le droit au bail peut-il être transmis à une société ?

Oui. Il peut être apporté à une société (dans le cadre d’un apport en nature) ou cédé à une société tierce. Ces opérations doivent respecter les clauses du bail (notamment en matière d’agrément) et peuvent avoir des conséquences fiscales, notamment en matière de droits d’enregistrement et de TVA.

Le droit au bail peut-il être valorisé dans un contexte d’audit ou de fusion-acquisition ?

Oui. Le droit au bail constitue un actif immatériel valorisable dans les bilans comptables, les audits patrimoniaux, les opérations de fusion-acquisition, et les évaluations de sociétés (notamment dans les secteurs du commerce de détail, de la restauration ou de l’hôtellerie).

Sa valorisation permet de :

Donner une image fidèle du patrimoine de l’entreprise,

Valoriser la rentabilité associée à un emplacement stratégique,

Justifier un prix de vente ou d’acquisition.

 

Peut-on perdre le droit au bail ?

Oui, dans certaines situations :

Résiliation judiciaire du bail pour manquement du locataire (loyers impayés, usage non conforme),

Déchéance du droit au renouvellement,

Non-renouvellement avec indemnité d’éviction, si le bailleur refuse le renouvellement pour motifs légitimes.

Dans ces cas, la valeur du droit au bail est compromise, voire annulée.

Peut-on valoriser un droit au bail sur un local en état d’abandon ou non exploité ?

Oui, mais avec prudence. La valeur du droit au bail peut exister même sans exploitation, si :

le bail est toujours en vigueur,

les conditions restent avantageuses (loyer bas, clause de renouvellement),

et l’emplacement conserve son intérêt commercial.

Cependant, l’absence d’activité ou un local dégradé justifie une décote importante, voire une absence totale de valorisation si le bail est devenu inopérant (fermeture administrative, occupation illicite, etc.).

Alicia Grau Expert immobilier haussmann évaluation
Alicia GRAU

Directrice Générale Haussmann Evaluation

Expert immobilier

Expert agréé CEIF

Expert agréé SNPI

Expert accrédité TEGOVA

Membre de la Chambre des Experts Immobiliers de France (CEIF)

Membre du collège des experts immobiliers (SNPI)

Master 2 en droit immobilier de l’Université Jean Moulin Lyon III

Spécialisation « estimation des immeubles » à l’ICH