Peu connu du grand public, le bail emphytéotique est un contrat de longue durée, pouvant aller jusqu’à 99 ans, qui confère au preneur un droit réel immobilier sur le bien loué. Ce mécanisme particulier permet au locataire, appelé emphytéote, de disposer du bien presque comme un propriétaire, moyennant une redevance souvent modérée. Il est fréquemment utilisé dans le cadre de projets d’aménagement, de valorisation foncière ou de partenariats public-privé, notamment pour les terrains à bâtir ou les ensembles immobiliers nécessitant de lourds investissements. En raison de sa complexité juridique et fiscale, ce type de bail nécessite une analyse rigoureuse, tant sur le plan de la valorisation que des obligations des parties. Le cabinet Haussmann Évaluation, expert en évaluation immobilière, accompagne les propriétaires, investisseurs et collectivités dans la structuration, la négociation et l’évaluation des droits liés au bail emphytéotique, afin de sécuriser les projets sur le long terme.
Définition et caractéristiques du bail emphytéotique
Le bail emphytéotique est un contrat de longue durée, régi par les articles L.451-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime, qui confère au preneur un droit réel immobilier sur un bien appartenant à un tiers. Il s’agit d’un outil juridique spécifique, souvent utilisé pour valoriser un terrain ou un immeuble sans en transférer la propriété, tout en permettant au locataire de jouir du bien comme s’il en était propriétaire, dans certaines limites.
Une durée longue et un droit réel attaché au preneur
Le bail emphytéotique se distingue par sa durée exceptionnelle : il doit être conclu pour au moins 18 ans, et peut aller jusqu’à 99 ans. Pendant cette période, le preneur, appelé emphytéote, bénéficie d’un véritable droit réel sur l’immeuble. Il peut hypothéquer son droit, réaliser des constructions, céder ou transmettre son bail, sous réserve des clauses prévues au contrat. En contrepartie, il verse au bailleur une redevance modique, souvent symbolique, ce qui en fait un levier intéressant pour la réalisation de projets immobiliers ou d’équipements collectifs.
Des obligations spécifiques pour le preneur et le bailleur
L’emphytéote est tenu d’entretenir le bien, de l’utiliser conformément à sa destination, et d’en assumer les charges, taxes et travaux, comme le ferait un propriétaire. À l’expiration du bail, les constructions édifiées sur le terrain reviennent en principe au bailleur sans indemnité, sauf convention contraire. Le bail emphytéotique doit obligatoirement être établi par acte notarié et publié au service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers.
Quel est l’intérêt du bail emphytéotique ?
Le bail emphytéotique constitue un outil juridique efficace pour concilier valorisation foncière et maîtrise de la propriété. Sa durée longue, son régime particulier et sa souplesse d’usage en font une solution adaptée à de nombreux projets, tant pour les propriétaires fonciers que pour les investisseurs ou aménageurs. Il permet d’exploiter un bien immobilier durablement, sans en devenir propriétaire, tout en assurant un cadre juridique stable.
Un levier de valorisation sans perte de propriété
Pour le bailleur, l’intérêt principal du bail emphytéotique réside dans la possibilité de valoriser un terrain ou un immeuble inoccupé, tout en en conservant la propriété. Cela permet notamment aux collectivités publiques, établissements religieux ou propriétaires privés de mettre à disposition un bien à long terme, sans en supporter les coûts de construction, d’entretien ou d’exploitation. À l’issue du bail, les améliorations et constructions réalisées reviennent au propriétaire, ce qui permet un enrichissement du patrimoine sans investissement direct.
Une alternative à l’achat pour les investisseurs et porteurs de projets
Côté preneur, le bail emphytéotique offre un droit réel assimilable à une quasi-propriété, sans mobiliser les capitaux nécessaires à un achat foncier. Il est particulièrement utilisé dans des projets immobiliers, industriels ou de santé, où la maîtrise du sol à long terme est essentielle. L’emphytéote peut hypothéquer ses droits, transmettre son bail, exploiter ou louer les bâtiments construits, comme le ferait un propriétaire. Cette solution est donc idéale pour développer un projet ambitieux sur un terrain stratégique, tout en maîtrisant les coûts d’acquisition foncière.

Quels sont les inconvénients d’un bail emphytéotique ?
Malgré ses nombreux avantages, le bail emphytéotique présente aussi des contraintes juridiques, financières et pratiques qu’il convient d’anticiper. Que l’on soit bailleur ou preneur, ce type de contrat engage les parties sur le long terme, avec des effets parfois lourds à gérer. Une mauvaise rédaction ou une anticipation insuffisante des obligations peut générer des difficultés, notamment en fin de bail.
Une charge et une responsabilité lourdes pour le preneur
L’emphytéote supporte la quasi-totalité des obligations liées au bien immobilier : entretien, réparations, taxes, assurances, voire mise aux normes. Il agit en véritable gestionnaire du bien, sans en être propriétaire. De plus, aucune indemnité n’est due à l’expiration du bail, même si le preneur a construit ou rénové les lieux à ses frais, sauf disposition contraire. Cela peut représenter un risque patrimonial important si l’exploitation n’est pas suffisamment rentable ou si le projet est interrompu prématurément.
Un cadre rigide et des enjeux de sortie complexes
Pour le bailleur, le bail emphytéotique implique un désengagement de long terme, avec une faible maîtrise sur l’usage du bien pendant toute la durée du contrat. Il est très difficile de résilier le bail de manière anticipée, sauf en cas de faute grave du preneur. En fin de bail, le retour du bien dans le patrimoine du bailleur peut également poser des questions fiscales ou juridiques, notamment sur la reprise des constructions ou la mise en conformité du site. La durée étendue du contrat complique parfois les projections économiques et la gestion successorale.
Besoin d'une expertise immobilière ?
Les experts immobiliers d'Haussmann Evaluation interviennent dans toute la France.
N'hésitez pas à nous contacter pour un devis gratuit !
Que se passe-t-il à la fin d’un bail emphytéotique ?
À l’issue de sa durée — qui peut aller jusqu’à 99 ans — le bail emphytéotique prend automatiquement fin, sans besoin de congé ni de démarche particulière. Cette échéance entraîne des conséquences importantes pour le preneur comme pour le bailleur, notamment en ce qui concerne les constructions réalisées et la restitution du bien.
Retour du bien et des constructions au bailleur
À la fin du bail, le bien loué, ainsi que toutes les constructions, améliorations et aménagements réalisés par l’emphytéote, reviennent de plein droit au propriétaire, sans que celui-ci ait à verser d’indemnité, sauf disposition contraire du contrat. Ce transfert de propriété s’opère automatiquement, par l’effet de la loi. Le bailleur retrouve ainsi la pleine jouissance du bien, généralement enrichi, ce qui constitue l’un des intérêts majeurs du bail emphytéotique pour le propriétaire initial.
Fin des droits du preneur et absence de renouvellement
De son côté, l’emphytéote perd tous ses droits sur le bien, y compris la jouissance des locaux et la possibilité d’exploiter ou de céder son droit réel. Le bail emphytéotique n’est pas renouvelable de plein droit, contrairement au bail commercial. Si les parties souhaitent poursuivre la relation contractuelle, elles doivent conclure un nouveau bail. Dans certains cas, cela peut entraîner des enjeux fiscaux et comptables, notamment en cas de transmission ou de valorisation du patrimoine à cette échéance.

Quelle est la différence entre un bail emphytéotique et un bail à construction ?
Le bail emphytéotique et le bail à construction sont deux contrats de longue durée qui accordent au preneur des droits réels sur un bien immobilier appartenant à un tiers. Bien qu’ils présentent des similitudes dans leur logique juridique et leur durée, ils répondent à des objectifs différents et ne supposent pas les mêmes engagements, notamment en matière de construction et de restitution du bien.
Une obligation de construire uniquement dans le bail à construction
Le bail à construction, régi par l’article L.251-1 du Code de la construction et de l’habitation, impose expressément au preneur l’obligation de construire des bâtiments sur le terrain loué. À l’inverse, le bail emphytéotique n’oblige pas à bâtir : il laisse au preneur la faculté de construire ou non, selon ses besoins. Cette distinction est fondamentale : le bail à construction est conclu uniquement dans une logique de promotion ou de valorisation immobilière, alors que le bail emphytéotique peut viser une simple exploitation à long terme, avec ou sans projet immobilier.
Des usages et des implications patrimoniales différents
Le bail emphytéotique est souvent utilisé dans le cadre de projets publics, patrimoniaux ou agricoles, où la durée et la souplesse priment sur l’obligation de construire. Le bail à construction, quant à lui, est privilégié pour des opérations de développement immobilier, notamment en zone urbaine. À la fin des deux baux, les constructions reviennent au propriétaire du terrain, mais les régimes fiscaux, comptables et les modalités de transfert peuvent différer. Le choix entre l’un ou l’autre dépend donc de la finalité du projet, des objectifs du bailleur et de la stratégie patrimoniale du preneur.
Quelle est la différence entre un bail ordinaire et un bail emphytéotique ?
Le bail ordinaire (comme le bail civil ou le bail commercial) et le bail emphytéotique sont deux contrats de location immobilière, mais ils reposent sur des logiques très différentes. L’un organise la simple jouissance d’un bien pendant une durée limitée, l’autre confère au preneur un droit réel immobilier, proche de la propriété. Cette différence de nature juridique entraîne des conséquences importantes sur la durée, les droits du preneur et la gestion du bien.
Une différence majeure dans la nature des droits accordés
Dans un bail ordinaire, le preneur (locataire) dispose uniquement d’un droit de jouissance temporaire : il peut occuper les lieux, mais ne peut ni hypothéquer, ni céder librement son bail, sauf accord du bailleur. En revanche, le bail emphytéotique confère au preneur un droit réel, ce qui lui permet de transmettre, céder, louer ou hypothéquer son droit comme s’il en était propriétaire. Il dispose ainsi d’une autonomie bien plus large dans l’exploitation et la gestion du bien.
Durée, obligations et effets à l’issue du contrat
Les baux ordinaires sont généralement conclus pour des durées courtes ou moyennes (de quelques années à neuf ans dans le cas d’un bail commercial), alors que le bail emphytéotique est toujours conclu pour une durée minimale de 18 ans, pouvant aller jusqu’à 99 ans. À la fin d’un bail ordinaire, le locataire restitue les lieux dans leur état d’origine. À l’inverse, à l’issue d’un bail emphytéotique, le bien ainsi que les constructions réalisées par l’emphytéote reviennent gratuitement au propriétaire, sauf disposition contraire. Cette logique de retour patrimonial différencie clairement les deux régimes.

FAQ – Bail emphytéotique
Un particulier peut-il conclure un bail emphytéotique ?
Oui, un particulier peut conclure un bail emphytéotique, que ce soit en tant que bailleur ou preneur. Cependant, ce type de bail est principalement utilisé par des professionnels, des collectivités ou des institutions en raison de sa durée longue et de ses implications juridiques complexes.
Le bail emphytéotique s’applique-t-il uniquement aux terrains ?
Non, bien qu’il soit fréquemment utilisé pour les terrains, le bail emphytéotique peut également porter sur des immeubles bâtis. Toutefois, il est généralement mis en œuvre lorsqu’il existe un enjeu de valorisation ou de développement du foncier.
Peut-on vendre un bien grevé d’un bail emphytéotique ?
Oui, un propriétaire peut vendre un bien soumis à un bail emphytéotique, mais l’acquéreur devra respecter les termes du contrat en cours. De même, l’emphytéote peut céder son droit réel à un tiers, dans les conditions prévues au bail.
Le bail emphytéotique est-il compatible avec un usage d’habitation ?
Il est très rarement utilisé pour l’habitation individuelle, car il est conçu pour des projets structurés (immobilier d’entreprise, équipements publics, infrastructures). En cas d’usage d’habitation, le montage juridique et fiscal doit être encadré avec soin.
Quelle est la fiscalité applicable à l’emphytéote ?
L’emphytéote est assimilé à un quasi-propriétaire. À ce titre, il peut être soumis à la fiscalité applicable aux propriétaires, notamment en matière d’impôts locaux, de plus-values immobilières en cas de cession de son droit, ou d’IFI s’il s’agit d’un particulier.
Un bail emphytéotique peut-il être renouvelé automatiquement ?
Non, le bail emphytéotique ne se renouvelle pas par tacite reconduction. À l’échéance, il prend fin automatiquement. Toute prolongation nécessite la signature d’un nouveau contrat entre les parties.
Quels sont les risques en cas de mauvaise exécution du bail ?
En cas de non-respect des obligations du preneur (non-entretien, usage non conforme…), le bailleur peut demander la résiliation judiciaire. Inversement, un bail mal rédigé peut limiter les recours du propriétaire pendant plusieurs décennies.

Alicia GRAU
Directrice Générale Haussmann Evaluation
Expert immobilier
Expert agréé CEIF
Expert agréé SNPI
Expert accrédité TEGOVA
Membre de la Chambre des Experts Immobiliers de France (CEIF)
Membre du collège des experts immobiliers (SNPI)
Master 2 en droit immobilier de l’Université Jean Moulin Lyon III
Spécialisation « estimation des immeubles » à l’ICH